Dragon's Dogma est une fable new age. Celle du mythe de Prométhée revisité par un représentant de l'Asie orientale. Ici le Maitre de jeu a remplacé les dieux de l'Olympe et les Titans. L'enjeu toujours le même depuis la création, dépasser sa condition humaine et s'extraire de son destin. Mais comme dans le mythe, le destin est toujours plus fort. Son expression, celle d'un ordre cosmique est là aussi une constante dans les sagesses orientales. Le personnage-joueur, marionnette du destin, comprendra t'il qu'il n'est qu'un acteur qui chemine toujours vers la même fin ? Ou bien transgressera t'il l'ordre des choses, comme Promethée et sa progéniture, et ainsi subissant les conséquences d'un ordre cosmique rompu ? Quoi de mieux que la figure d'une peur ancestrale fichée dans le cerveau reptilien de chacun pour l'incarner : celle du dragon ? Figure prométhéenne mi-dragon mi-démon. Deux visages du dilemne incarnés en une seule figure. Bien sûr on retrouve des éléments du mythe du dragon chinois renversant les fondements du monde comme dans le premier opus.

Dans le mythe grec, Promethée offre le feu à l'humanité. Dans Dragon's Dogma le dragon offre le feu au personnage-joueur c'est à dire le pouvoir. Le pouvoir de dominer mais surtout contrairement à tous les autres acteurs (personnages non-joueurs) celui de choisir sa destinée. Ainsi viendra le moment où il faudra choisir entre l'ordre cosmique ou son propre ordre à construire en faisant table rase du passé... Et ses conséquences.

Depuis l'aube de l'histoire de l'humanité (je sais je n'y étais pas) les civilisations se font et se défont. A chaque moment d'acme se profile le Grand Choix : abandonner son exuvie pour faire peau neuve. En d'autres termes celui du changement ou de la sécularisation jusqu'à la décroissance et l'extinction. C'est ainsi qu'en cette conjoncture de choc des civilisations ou bipolarité naissante, Capcom met les pieds dans le plat en s'attaquant à ce qui traverse notre époque : progressisme contre conservatisme, vice-et-versa. Humanisme ou ordre cosmique. Dogme libéral menant à l'individualisme puis à la réification ou cosmos faisant prendre conscience de la fragilité de l'existence, fragment d'un grand tout.



Alors, ce Dragon's Dogma 2 (DD2) est-il bon ou non ? Et bien ce n'est qu'une resucée réussie du premier opus. Avec quelques adaptations pour une génération de joueurs plus exigeante mais moins patiente. Ainsi en reuchant (du verbe rusher cher à jean-kevin le roxxor) ce Dragon's Dogma retournera dans sa grotte en 15-20 heures. Mais en le prenant comme un jeu à explorer dans ses moindres possibilités il pourra offrir bien plus que cela. Des dizaines voire même des dizaines de dizaine d'heures.

Pour commencer l'espace de jeu est quatre fois plus vaste que le précédent opus selon Capcom. Moins cloisonné, plus de plateformes, de coins et de recoins répartis en trois biomes. Plus de coffres disséminés dans des zones improbables. De collectibles servant à un artisanat rudimentaire (A+B=C). Pas moins de dix classes de personnage et une vingtaine de capacités pour chaque. Une bonne centaine de PNJs. Plus de grottes, de villes (trois) et de villages (six) mais toujours ce sentiment de couloirs aménagés cette fois pour laisser passer le dragon...

Mais un jeu Capcom sans baston c'est comme un briquet sans sa pierre, un dragon sans étincelle. Avec Dragon's Dogma 2 Capcom ne change pas une formule qui gagne. C'en deviendrait presque pénible à qui souhaite explorer tant l'omniprésence d'ennemis est pesante. Un bestiaire qui ne dépaysera pas les joueurs du premier opus ni les fans de Donjons & Dragons. Ces derniers, assidus lecteurs du Manuel des Monstres AD&D 2nde édition, retrouveront des comportements et attaques qui lui sont fidèles. Les nostalgiques des bornes d'arcade retrouveront l'esprit des adaptations Capcom du jeu de rôle américain comme le fut Chronicles of Mystara en son temps. Et tout cela avec des graphismes actuels (qui puisent beaucoup sur le processeur). Cela rendrait presque contemplatif au point de se prendre une baffe de cyclope ou un four de dragon par inadvertance. Mais il y a un point inattendu ou presque...

S'il est bien un sujet qui renvoit les studios concurrents à leur médiocre ouvrage face à DD2 c'est celui de l'animation. La finesse, la précision, la beauté et tout ce qui fait l'immersion de ce côté là est présent. Les personnages ont un visage animé lors des dialogues et des coups reçus en combats. Les lèvres s'animent, la machoire bouge, les yeux s'orientent ou se ferment, les sourcils se dressent ou se froncent, les gestes d'humeur sont expressifs sans verser dans la comédie. Votre personnage buttant contre un mur ou un badaud perd son équilibre ou donne un coup d'épaule (Assassin's Creed). Il en va ainsi pour les monstres et l'environnement aussi. De quoi renvoyer au moyen-âge les RPGs Bethesda et bien d'autres adeptes de la financiarisation de l'industrie du jeu vidéo.

Dragon's Dogma 2 nous démontre une chose : le Japon est toujours le pays du jeu vidéo.